L’angle ponto-cérébelleux est un carrefour où se rencontre des structures nerveuses motrices et/ou sensitives (les nerfs crâniens) et des structures vasculaires de gros calibre comme les artères cérébelleuses. Dans un certain nombre de cas, un conflit vasculo-nerveux peut naître et se traduire cliniquement chez le patient. Ce dernier est lié à la présence d’une boucle vasculaire dont le caractère acquis ou congénital n’est actuellement pas connu. Ces boucles provoquent un impact régulier et rythmé par le cycle cardiaque sur le nerf. Ce dernier est alors refoulé, comprimé jusqu’à être au maximum dissocié par l’artère. Une souffrance nerveuse s’installe et est responsable de signes cliniques qui dépendent du nerf mis en cause. 

 

 

L’examen clinique :

Le diagnostic d’un conflit vasculo-nerveux doit combiner un interrogatoire et un examen clinique spécifique.
La névralgie trigéminale est caractérisée par l’apparition d’une douleur électrique unilatérale sur l’hémiface du patient. Cette douleur survient par à-coup bref de quelques secondes, plusieurs fois par jour. Elle est d’emblée maximale, imprévisible et non récurrente selon les saisons.
Déclenchée spécifiquement par l’effleurement des dents, de la pommette, de la joue, de l’aile du nez, par le brossage des dents, la douleur est violente et évolue par crises de quelques minutes.
Cette douleur est accompagnée d’aucun déficit moteur ou sensitif. Il n’existe pas de paralysie faciale. L’examen neurologique ne retrouve aucun déficit tout comme l’examen ORL.
Dans la forme la plus typique, on ne retrouve aucune rougeur, larmoiement ou écoulement du nez au moment de la crise.
Cette douleur peut se localiser sur trois territoires distincts sur le visage : sur un espace compris entre le front et la paupière supérieure, compris entre la paupière inférieure et la lèvre supérieure, entre la lèvre inferieure et le cou. La douleur peut atteindre un seul de ces territoires ou au contraire concerner plusieurs d’entre eux.

Une fois la douleur présente, celle-ci évolue au cours des mois et des années en gagnant d’autres territoires et en étant plus fréquente, plus violente, plus intense. 
L’errance diagnostic est parfois grande conduisant à l’ablation de dents chez certains patient, l’origine dentaire étant initialement envisagée lorsque la douleur est localisée sur le territoire de la pommette (os maxillaire). C’est ce territoire qui est le plus souvent concerné. 

On différenciera la douleur trigéminale d’autres types de douleur faciale en insistant sur le fait qu’elle est unilatérale et électrique. Les douleurs ayant pour origine les sinus, l’articulation temporo mandibulaire sont différentes tous comme l’algie vasculaire de la face (signes de rougeur facial, écoulement nasal concomitant). De même, une douleur de désafférentation lié à un traumatisme nerveux se manifeste par des sensations de cuisson, brulure, irritation qui sont différentes de la douleur ressentie en cas de névralgie trigéminale. 

 

 


Le retentissement de la pathologie : 

Le retentissement de la névralgie faciale est grand chez les patients. La nature même de la douleur qui est par essence invisible, l’intensité électrique de celle-ci conduisent de nombreux malades à une détresse psychologique majeure et parfois même jusqu’au suicide. L’isolement personnel, sociale, professionnel ou familial est souvent la règle au moment de la prise en charge.  

 

 

 


Les examens complémentaires : 

Le bilan paraclinique doit être envisagé si l’interrogatoire et l’examen clinique sont en faveur d’une névralgie trigéminale. 

Ce bilan comprend une IRM avec et sans injection pour rechercher les signes du conflit vasculo-nerveux. L’analyse de la position des vaisseaux et des nerfs est primordiale. Par exemple, le nerf trijumeau (V paire des nerfs crâniens) et l’artère cérébelleuse supérieure issue du tronc basilaire sont le plus souvent conflictuels. Ce conflit est souvent localisé à l’émergence du nerf trijumeau du tronc cérébral. Les images obtenues ne s’interprètent qu’à la lumière de l’examen clinique car la présence d’une boucle vasculaire à l’IRM ne permet pas de porter le diagnostic de conflit vasculo-nerveux si aucun retentissement clinique n’existe.

Associé au bilan radiologique, une évaluation audiométrique (audiométrie tonale, vocale, parfois potentiel évoqué auditif) et vestibulaire (vidéo nystagmoscopie) est nécessaire. Elle prépare l’éventuelle chirurgie en repérant les déficits fonctionnels éventuels. 

 

 

 


La prise en charge thérapeutique de la névralgie trigéminale :

Comme dans toute pathologie chronique, le malade est acteur de sa pathologie. 
S’il ne ressent aucun handicap et qu’il ne souhaite aucun traitement, la surveillance est à privilégier. 
Si un handicap social, personnel ou professionnel est présent, un traitement médical doit être initialement proposé. La molécule de choix est la carbamazépine.
Ce traitement doit être introduit progressivement par titration jusqu’à une dose plancher permettant de soulager le malade. 

En cas d’intolérance (somnolence, ralentissement), d’allergie ou d’épuisement thérapeutique du traitement médical et en cas de conflit vasculo nerveux radiologique, la chirurgie doit être envisagée. C’est ce que l’on appelle la décompression micro vasculaire. 
Cette chirurgie consiste à déplacer l’artère conflictuelle à distance du nerf trijumeau ou à défaut en l’isolant par l’utilisation d’un téflon. Celui-ci est interposé selon les conditions anatomiques entre le nerf et l’artère et joue le rôle d’un amortisseur et d’isolant électrique. Le conflit n’étant plus présent, les symptômes disparaissent immédiatement.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le résultat du traitement chirurgical de la névralgie trigéminale :

Le taux de guérison de la névralgie trigéminale après décompression micro vasculaire est de 95% immédiatement après la chirurgie et de 90% à 5 ans. Cette chirurgie est donc extrêmement efficace. C’est le seul traitement qui guéri le malade. Le taux de complication global est faible, de l’ordre de moins de 4%. La durée d’hospitalisation moyenne est d’environ 8 jours. 
Les autres traitements ne peuvent guérir le malade, le conflit étant toujours mécaniquement en place. Ces techniques reposent sur la création d’une lésion nerveuse trigéminale soit de contact (ballon, compression) soit à distance (radiochirurgie). Cette lésion peut engendrer une baisse de la sensibilité de la face. La compression étant toujours présente, la maladie récidive dans la plupart des cas.

La névralgie trigéminale ou Maladie de Trousseau est une pathologie invalidante dont le seul traitement définitif est chirurgical. Les résultats excellents et la maitrise des complications font de cette intervention un geste sûr, efficace et définitif qui transforme positivement la vie des malades en supprimant dans plus de 90% des cas la douleur et le handicap.

 

 

Témoignage patient :

 

Les recherches menées :

 

Publications 2012 :

Névralgie du trijumeau liée à une malformation artério-veineuse de la fosse postérieure : trois rapports de cas et une revue de la littérature

Machet A, Aggour M, Estrade L, Chays A, Pierot L. Trigeminal neuralgia related to arteriovenous malformation of the posterior fossa: three case reports and a review of the literature. J Neuroradiol. 2012 Mar;39(1):64-9. doi: 10.1016/j.neurad.2011.08.001. Epub 2011 Oct 27. PMID: 22036475.

https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0150986111000885?via%3Dihub

Résumé grand public en français :

            Cet article montre l'association rare d'une névralgie du trijumeau avec une malformation artérioveineuse cérébrale de la fosse postérieure. Le diagnostic a été porté à partir d’une présentation clinique typique de névralgie (douleur électrique du visage). Cependant l’IRM montre la présence de cette anomalie vasculaire en montrant les caractéristiques radiologiques spécifique de cette malformation alimentée par des artères des systèmes carotidien et vertébrobasilaire. Aucun épisode de saignement n’est à noter : C’est le principal risque de ces malformations vasculaires. Le traitement médical (Tégrétol) a permis de soulager efficacement les symptômes. Aucune douleur n’a été rapportée lors des contrôles effectués à 6, 10 et 18 mois. Aucun traitement invasif ou chirurgical n'a été effectué car les caractéristiques radiologiques ont considéré les patients comme présentant un faible risque d'hémorragie. Un traitement invasif multiple peut être une alternative au traitement médical si celui-ci est en échec pour soulager la douleur.

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Publications 2019 :

Monitoring non invasif per opératoire de l’audition par les potentiels microphoniques au cours de la chirurgie de l’angle ponto cérébelleux

Lourenço B, Madero B, Tringali S, Dubernard X, Khalil T, Chays A, Bazin A, Mom T, Avan P. Non-invasive intraoperative monitoring of cochlear function by cochlear microphonics during cerebellopontine-angle surgery. Eur Arch Otorhinolaryngol. 2018 Jan;275(1):59-69. doi: 10.1007/s00405-017-4780-8. Epub 2017 Oct 27. PMID: 29080147.

https://link.springer.com/article/10.1007/s00405-017-4780-8

Résumé grand public en français :

Au cours de la chirurgie des schwannomes vestibulaires, le taux de préservation de l'audition reste faible. Outre les lésions du nerf auditif, l'ischémie cochléaire peropératoire est une cause potentielle de perte d'audition. L’utilisation des potentiels microphoniques cochléaires de façon non invasive a été testée pour détecter les événements vasculaires cochléaires lors de la chirurgie des neurinomes. Deux groupes de patients bénéficiant d’une chirurgie rétro sigmoïde de l'angle ponto-cérébelleux ont été inclus : l'un opéré pour neurinome (n = 31) et l'autre pour une neurectomie vestibulaire ou conflit vasculo-nerveux (n = 19, groupe témoin). La diminution des potentiels microphoniques a toujours été accompagnée d’une baisse de l’audition. Dans le groupe témoin, les fluctuations des potentiels microphoniques étaient insignifiantes. La surveillance peropératoire des potentiels microphoniques est un outil sensible qui pourrait guider la chirurgie des schwannomes vestibulaires.

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Publications 2020 :

Efficacité de la chirurgie de la névralgie trigeminale par décompression micro vasculaire

Louges MA, Kleiber JC, Bazin A, Chays A, Dubernard X. Efficacy of microsurgical vascular decompression in trigeminal neuralgia.
Eur Ann Otorhinolaryngol Head Neck Dis. 2020 Sep;137(4):285-289. doi: 10.1016/j.anorl.2019.09.008. PMID: 32862993.

https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1879729619301498?via%3Dihub

Résumé grand public en français :

La névralgie trigéminale est une pathologie très invalidante à cause de la douleur électrique fulgurante et imprévisible ressentie par le malade sur son visage. Cette douleur est liée à la présence d’un conflit vasculo nerveux c’est-à-dire à une artère tapant le nerf de la sensibilité du visage. Nous avons analysé 87 patients opérés dans notre centre. La chirurgie consiste à déplacer l’artère responsable du conflit pour faire cesser la compression mécanique du nerf par l’artère.

L'efficacité postopératoire sur la douleur a été immédiate dans 97,7 % des cas. Il n'y a pas eu de décès postopératoire, et le taux de complications sévères a été faible (2,3 %). L'efficacité de la chirurgie de décompression microvasculaire était totale à 2 ans dans 90,8% des cas et à 10 ans dans 92,3% des cas, sans reprise du traitement médical.

La chirurgie de décompression microvasculaire en cas de névralgie du nerf trijumeau par conflit vasculo nerveux est une technique sûre dont l’efficacité est totale immédiatement et à long terme. Elle doit être envisagée en première intention en cas d'échec ou d'intolérance d'un traitement médical bien conduit.
 

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Publications 2022 :

Efficacité et sécurité de la décompression micro vasculaire chez les patients de plus de 70 ans présentant une névralgie trigèminale

Domages C, Brenet E, Labrousse M, Bazin A, Chays A, Kleiber JC, Dubernard X. Efficacy and complications of microvascular decompression in patients over 70 years with trigeminal neuralgia. Acta Neurol Belg. 2022 Jun;122(3):615-623. doi: 10.1007/s13760-022-01922-3. Epub 2022 Mar 30. PMID: 35353357.

https://link.springer.com/article/10.1007/s13760-022-01922-3

 Résumé grand public en français :

La chirurgie est le traitement de choix de la névralgie du trijumeau lorsqu’un conflit neurovasculaire existe et que les traitements médicaux ne sont plus tolérés ou en échecs. La disparition de la douleur est immédiate pour plus de 90% des patients et cela de façon définitive. Concernant les patients « âgés » (plus de 75 ans) la disparition des douleurs est immédiate est perdure dans 95% des cas avec un recul minimum de 5 ans. Il n’existe pas de différence avec les patients plus jeunes (moins de 75 ans) et le taux de complication est comparable. L’âge n’est donc pas un critère de moins bonne efficacité de la chirurgie. Ce n'est pas plus une contre-indication au traitement chirurgical de la névralgie de Trousseau. Seul l’état physiologique du malade compte pour savoir s’il peut être endormi ou pas, l’âge ne doit pas rentrer en compte.

 

Étude fondamentale de l'audition à partir de la chirurgie de l'angle ponto cérébelleux : le PSTR est-il prédictif de la constante de temps d'adaptation et du taux spontané de décharge des neurones auditifs et de de leurs fibres : des gerbilles aux humains.

Huet A, Batrel C, Dubernard X, Kleiber JC, Desmadryl G, Venail F, Liberman MC, Nouvian R, Puel JL, Bourien J. Peristimulus Time Responses Predict Adaptation and Spontaneous Firing of Auditory-Nerve Fibers: From Rodents Data to Humans.
J Neurosci. 2022 Mar 16;42(11):2253-2267. doi: 10.1523/JNEUROSCI.0858-21.2022. Epub 2022 Jan 25. PMID: 35078924; PMCID: PMC8936603.

https://www.jneurosci.org/content/42/11/2253

Résumé grand public en français :

Il s’agit d’une étude de recherche fondamentale sur l’audition. Le but est de corréler les résultats obtenus depuis des décennies chez l’animal (la gerbille notamment) à ceux que l’on obtient chez l’homme. Grâce à la surveillance de l’audition pendant la chirurgie de l’angle ponto cérébelleux, nous avons pu montrer qu’il était possible d’étudier les neurones auditifs et de définir leurs caractéristiques chez l’homme. Cette découverte est importante. Jusqu’à présent il était impossible de définir leurs fonctions aussi précisément. Elle ouvre des perspectives importantes pour mieux comprendre l’audition humaine.